Tache de couleurs dans un endroit sombre... [Munkisha]

Reicher franchit le vieux portail d’un pas tranquille et entra dans le cimetière. Il était exactement comme il l’avait laissé la dernière fois ! Glauque, sombre, froid avec son tapis de brume. Brume qu’il chassait à chaque pas. Il n’avait pas peur, il connaissait bien cet endroit. Il y venait de temps en temps se recueillir sur la tombe de ces parents, ce qu’il était venu faire aujourd’hui.

Il se dirigea vers la tombe sans détour passant devant les spectres des arbres, les tombes oubliées… Il passa même devant un mausolée avec les portes ouvertes. Le vent provoquait un petit murmure qui, pour les Ames naïves, pouvait ressembler à une invitation à entrer dans le sombre bâtiment et faire très peur ! Mais le loup ignora complètement l’endroit et continua sa route.

Soudain et s’arrêta et grogna : un corbeau était occupé à picorer les restes d’une rose sur une belle tombe recouvertes de vieilles plantes malades ou morte. Reicher fronça les sourcils et utilisa son pouvoir : les plantes s’animèrent et frappèrent avec force et violence le corbeau le projetant sur le sol. L’oiseau poussa un cri de surprise et de douleur retentissant et chercha à se relever pour prendre la fuite mais il n’eut pas le temps… Un éclair tricolore frappa ! Le prédateur croqua l’oiseau. La gueule dégoulinante de sang, Reicher cracha le corbeau au milieu de l’allée, décidant qu’il mangerait plus tard, lorsque sa tâche serait terminée.

Il s’assit devant la tombe en se léchant les babines et l’observa quelques instants en silence. C’était une tombe tout à fait banale en pierre protégeant deux cadavres : ceux de ces parents. Elle était recouverte de roses sèches et d’autres plantes méconnaissable. Ça faisait longtemps qu’il n’était plus passé… Mais le loup utilisa son pouvoir de nouveau : Les roses retrouvèrent leur vitalité tout comme toutes les plantes. En quelques secondes, la tombe devint un véritable bijoux de verdure au milieu de cette endroit sombre et froid : Il y avait des roses rouges, noires et ors, de la glycine qui courrait sur toute la tombe la recouvrant d’un vert doux et de fleurs bleues et des chrysanthèmes de toutes les couleurs un peu partout.

Satisfait, le jeune mâle resta ainsi : assis devant la tombe de ces parents en silence.

Comme à son habitude, Munkisha survolait les terres obscures la nuit tombée. Ses immenses ailes battaient l'aire avec une puissance telle que les oiseaux n'osaient pas l'approcher. Notre loup était à la recherche d'une proie ! Il décida donc de se rapprocher du sol afin d'avoir une meilleure vue sur ses futurs repas. Il évita soigneusement le marais des brumes se rappelant à quel point on pouvait être malade en mangeant un être de cette zone lugubre, sale et nauséabonde. Munkisha plana donc vers un lieu beaucoup plus appétissant, il lui fallait un lieu découvert, sans trop d'arbre afin de pouvoir tomber sur sa proie tel une flèche venue du ciel ! La nuit était sombre et la lune, cachée par les nuages, empêchait l'ombre de Munkisha d'apparaître sur le sol. C'était la technique parfaite ! Lorsque l'animal gambadera tranquillement... Qu'il ne s'attendra pas à être attaqué, ou du moins pas du ciel. Munkisha d'un vol léger et silencieux se rapprochera d'elle... doucement... discrètement... Jusqu'à ce qu'il passe à l'action, qu'il repli ses ailes afin d'acquérir plus de rapidité. Il s'écrasera sur sa proie, portant tout le poids de son immense corps sur elle. Là il plantera ses crocs dans son cou et l'achèvera.

Enfin ou pas. Il pourrait très bien aussi décider de jouer avec elle... Munkisha était d'humeur mesquin, provocateur, les voix dans sa tête ne cessaient de lui répéter qu'il était beaucoup trop gentil en ce moment et qu'il fallait remédier à cela. Il sombra alors dans ses pensées. Pourquoi ne pas écraser l'animal puis reprendre son envole afin de lui laisser l'espoir d'un échappatoire ? Et quand il se croira sain et sauf, là se sera le coup de grâce. Ou quoique... non. Notre loup pourrait très bien aussi faire cela à maintes reprises, tout en arrachant un morceau de chaire à chaque fois qu'il s'abattra sur sa proie. Cette idée plût à Munkisha, il s'amuserait, son repas serait progressif et le coup de grâce magistral ! Il sentit des frissons traverser tout son corps rien qu'à l'idée de voir la peur revenir sans cesse dans les yeux de son repas.

Munkisha se remit alors activement à la recherche de son jouet, mais là il y avait un hic, il fallait un gros gibier... Bah oui un lapin ne suffirait pas.. Si il s'écrase dessus vu la taille de son corps et celui du lapin.. il ne ferait pas long feu..

C'est en cherchant avec persévérance, car il ne voulait pas attendre, que Munkisha tomba sur un gros gros gibier. Il était d'un pelage rouge, noir et marron. Munkisha s'approcha un peu plus du sol pour savoir quel était cet animal. Il plana, se laissa porter par le vent afin de ne faire aucun bruit. Là il découvrit en réalité un loup. Ce fut la déception pour notre ami, il se disait incapable de manger un loup. Mais sa schizophrénie recommença :

*Un Loup C'est Comme Un Gros Lapin Au Final... Toute Bonne Chaire Se Mange Quand On A Faim*

L'obscur décida alors de survoler discrètement au dessus de la « proie ». Il l'observa. Celle-ci s'en prie à un corbeau d'une drôle de manière, c'était comme si la végétation lui avait obéis afin qu'il puisse adresser le coup de grâce à l'oiseau. Mais ce qui choqua Munkisha n'est pas tant cela, en effet au premier abords ce qui le choqua est le fait que le loup ne dévora pas sa proie. Pourquoi la tuer dans ce cas là ? Pour avoir du plaisir à tuer ? Alors pourquoi l'achever aussi vite ?

Par la suite il s'aperçut d'un truc étrange, des fleurs poussèrent sur une tombe. C'était la seule touche de couleurs de tout le cimetière. Munkisha fit alors le lien entre cette monté fleurissante et le loup dans le cimetière.

*Haaaaaannn il a le pouvoir de faire des fleurs ! *

Munkisha décida donc de voir cela de plus près, il vola tranquillement vers le sol, abandonnant toute tentative de discrétion. Il s'arrêta pile poil à coté de la tombe où l'autre loup semblait se repentir. Il le regarda fixement, pendant ce temps, les voix dans sa tête hurlaient :

* Pourquoi es-tu descendu il fallait lui tomber dessus, enfoncer tes crocs dans sa chair, lui arracher les oreilles, tacheter ses fleurs d'un rouge sang, et faire de ce lieu morbide sa tombe.*

Munkisha leurs répondait : * Les loups ne se mangent pas entre eux*

*Si *
* Non*
* Si !*

La tête de Munkisha bascula sur le côté d'un coup sec. Il fixait toujours l'animal en face de lui, son regard était totalement vide, comme si en face de lui il n'y avait pas une personne mais simplement une proie a dévorer. Il prononça doucement en appuyant bien chacun de ses mots :

« Ça se mange ? »

La mort d’un être cher n’est qu’illusion car il vivra toujours dans ton cœur. Tels furent les mots d’une magnifique lumineuse avec qui Reicher était ami et avait passé quelques bons moments. Elle le lui avait dit ici même, devant cette tombe, lorsqu’il l’avait emmené avec lui un matin. Enfin… Contre son gré car il ne voulait pas, c’était un endroit trop dangereux pour une faible lumineuse comme elle mais elle avait insistée et lui avait offert un petit cadeau et promis… Enfin bref il fut obligé d’accepter ! Cependant il n’était pas vraiment d’accord avec cette phrase. Il avait perdu ces parents quand il était encore tout petit et n’avait que peu de souvenirs… Alors certes les souvenirs vivaient toujours dans son cœur mais la réalité était claire : ces parents étaient morts ! Ils ne sont plus en vie ! Ils ne sont plus là !

Il était important pour Reicher d’entretenir cette tombe, de venir se recueillir à cet endroit de temps en temps. Aussi il venait régulièrement s’assoir ici, en silence, devant cette tombe.
Il était difficile d’être discret et de passer inaperçu dans ce cimetière. En effet, en dehors d’un petit vent et des grincements du portail, l’ambiance était bien silencieuse… Aussi Reicher entendit les battements d’ailes bien avant que le loup inconnu ne se pose. Il lui fut facile de jeter un œil. Il bougea un peu pour trouver une position plus confortable, ce qui n’était qu’un prétexte pour jeter un œil. Ce qui passa totalement inaperçu grâce à ses yeux sans pupille, il était en effet impossible de savoir dans quelle direction il regardait.

Un mâle… Reicher pria pour qu’il ne se pose pas et passe son chemin mais le loup volant se posa de l’autre côté de la tombe et l’observa quelques instants. Reicher lui adressa une salutation poli d’un hochement de tête. Le loup tricolore se tendit très légèrement. L’inconnu garda le silence tout en l’observant et le jeune mâle apprécia le geste mais le nouveau venu posa alors une question étrange en articulant doucement et appuyant bien chacun de ces mots :

« Ça se mange ? »

Reicher haussa un sourcil de surprise. Est-ce qu’il le prenait pour un lapin ? Ne voyait-il pas qu’il était un loup comme lui ? Etait-il incapable d’utiliser ses yeux ? Puis il fronça les sourcils et resta silencieux quelques secondes. Il ne bougea pas d’un pouce en dehors de ces sourcils. Il répondit d’un ton méfiant et las, comme si prononcer les mots suivant le fatiguait :

« Je ne crois pas non… Mais vous pouvez manger le corbeau si l’envi vous en prend. »

Le loup tricolore resta assis devant la tombe. Il était légèrement tendu et se méfiait du nouvel arrivant. Il lui en voulait un peu d’avoir interrompu son moment de recueillement et attendait simplement le bon moment pour s’en aller avec classe et sécurité.

Manger le corbeau? Munkisha se demandait quel était l'intérêt de cet acte. Manger, oui mais pas un cadavre qui est le résultat de la chasse d'un autre. Son but ce soir était en premier lieu de jouer avec sa proie et seulement ensuite dans un second temps la dévorer pour satisfaire son appétit.

« Excuse-moi.... Je n'en vois pas l'intérêt. Comment puis-je faire pour courir, bondir, écraser, déchirer un être qui est déjà mort ? Comment pourrais-je un instant voir la peur dans les yeux de ma proie, de celle que je vais dévorer, si celle-ci est déjà morte ? Car il est dur d'avoir peur de la mort quand elle nous a déjà fauché.... »

Munkisha était désespéré par ce loup qui paraissait beaucoup trop calme à son goût. Puis il analysa la situation d'un peu plus près, l'étranger avait fait naître des fleurs sur une tombe avant de rester fixement devant elle. Comme si il se recueillait. Munkisha regarda la tombe et se demanda qui pouvait bien être sous cette pierre, à qui appartenait ce tas d'os sûrement bien décomposé aujourd'hui vu comment la tombe était abîmée. Une question lui survint alors : pourquoi mettre des fleurs ? Munkisha ne croyait pas à la vie après la mort. Pour lui la mort n'était qu'un sombre néant, dont on ne revenait pas. Un silence total, on redevenait poussière, disparaissait à jamais laissant tout derrière nous. Personne ne nous suit dans la mort, on est seul, on a peur, pire on est impuissant et avant même de réaliser que l'on va mourir, la faucheuse nous a enlevé toute possibilité de réfléchir.

* Bien sûr toi tu n'as plus peur de la mort Munkisha...*

Notre obscur se souvint alors de cette discussion qu'il avait eu avec une louve du nom de Dreadfull. Cette conversation sur l'immortalité, elle l'avait résumé en quelques mots « la mort c'est avant tout le résultat d'un instinct de survie trop faible pour acquérir l'immortalité ».

Munkisha observa la tombe et se demanda si la personne en dessous avait un instinct de survie fort ou si elle s'était laissée mourir.

Munkisha se mit alors à regarder le loup tricolore en face de lui, il n'avait pas fais attention au fait qu'il ai répondu ou non à ses questions. Quand il plongea ses yeux rouges sans dans le regard de son interlocuteur l'obscur éprouva le désir d'en savoir plus, il voulait connaître son nom, la raison de sa venue ici, pourquoi ses fleurs, qui était sous cette tombe. Il décida alors de trouver réponses à ses questions.

« Pourquoi des fleurs sur une tombe ? Ils sont mort, ils ne le remarqueront même pas. Et vu l'état de cette pierre à part toi pas grand monde ne doit l'entretenir. Peut-être est-ce une passion ? Tu aime faire des lieux lugubres un paradis de fleurs ? Non parce que si c'est réellement pour rendre hommage à la personne sous cette tombe, je te le dis clairement : c'est inutile. Elle ne te remerciera jamais et ces fleurs faneront encore et toujours. Ce sera un travail sans relâche, sans absolument aucun but. »

Munkisha se leva, fit le tour de l'étranger et se posa légèrement derrière lui. Il soupira. D'un aire dépité, et avec une voix à demi pleurante il annonça :

« Moi je ne voulais pas mourir.... Il baissa sa tête la secoua doucement tout en regardant le sol. Pourquoi personne ne met de fleurs sur ma tombe... ? »

Il avait cette voix... Vous savez celle qu'ont les fous. La voix un peu tremblante légèrement aiguë qu'on pourrait presque croire qu'ils pleurent. Cette voix qui en un instant marque une fracture à l'intérieur de laquelle on voit le désespoir qui parle...

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